mardi 5 juin 2018

56 contrats avec un même intérimaire sur 16 mois est-ce abusif ?

    Normalement oui; la règle de droit est le CDI sauf pour des missions ponctuelles ET des motifs bien précis. La Cour d'Appel de Pau doit se prononcer dans les jours qui viennent sur le cas d'un intérimaire employé par une même entreprise utilisatrice avec 56 contrats quasiment tous enchaînés sur une durée de seulement 16 mois (un par semaine en général).

photo: d'après google street  view
    Une entreprise de logistique cotée en bourse a elle-même fourni dans ses conclusions un relevé confirmant qu'elle emploie bien des intérimaires tout au long de l'année et devient très floue dans ses motifs de recours, alternant un motif de saisonnalité alors qu'elle a une activité permanente toute l'année mais qui par contre pourrait justifier de surcroîts si elle pouvait les préciser... La Loi interdit donc à une entreprise d'affecter les personnels intérimaires à des tâches permanentes et normales de son activité sauf cas de remplacements de titulaires absents pour d'autres motifs que les congés payés.

    Or, quand les motifs deviennent vagues du style "lié au beau temps", "préparation de la saison d'été" ou "réorganisation après la saison d'hiver", des motifs peu précis surtout quand ils sont alternés avec des remplacements de salariés titulaires en congés payés. La Cour de Cassation avait déjà rappelé que les congés payés font partie du roulement normal d'une entreprise, qu'ils sont prévisibles et donc ne justifient pas les recours aux intérimaires, l'entreprise devant s'assurer d'un effectif pouvant palier aux congés des collègues (110%). 

    Une autre règle de droit importante est le délai de carence qui doit s'appliquer entre deux contrats d'intérim: un tiers du précédent contrat comptés en jours ouvrés uniquement. Si tel n'est pas le cas l'entreprise utilisatrice aura violé la Loi car le législateur voulait empêcher précisément l'abus d'enchaînements de contrats précaires. 

    Pour des motifs imprécis, des tâches normales et permanentes de l'activité de la boîte et des délais de carence non respectés la sanction attendue est la requalification des contrats d'intérim à compter du premier contrat irrégulier surtout quand toutes les anomalies citées sont présentes dans ce même dossier. 

    Bien qu'un dossier similaire de 29 contrats d'intérim en 9 mois ait été requalifié en CDI donc avec indemnité de licenciement sans cause réelles et sérieuses, on attend pourtant le délibéré de ce dossier avec inquiétude à cause du contexte: en effet, bien que payé en avance, l'avocat de l'intérimaire n'avait pas déposé en temps et en heure (juillet 2014) les conclusions pourtant prêtes et visées par l'intérimaire depuis mai 2014, que l'affaire a donc été radiée en novembre 2014, conformément à la politique de la Cour, qu'elle n'a été réinscrite par l'avocat en question que 6 mois plus tard et qu'elle a donc repris ensuite la file d'attente de 2 ans et demi minimum avant qu'un nouveau calendrier ne soit fixé à l'été 2017. Lors de cette audience de janvier 2018 - 39 mois plus tard - ni l'avocat de l'intérimaire, ni celui de la société utilisatrice n'étaient présents! L'affaire a été renvoyée à encore deux mois plus tard où l'affaire a été mise en délibéré sans même avoir été présentée; ni l'intérimaire ni l'avocate de la société utilisatrice n'ayant été invités à soutenir leurs conclusions en demande et en défense, l'intérimaire dont l'avocat était injoignable n'ayant donc même pas eu copie de celles en réponse de la société utilisatrice! Un comble!

    Le délibéré devait être rendu le 24 mai. On n'est certes plus à quelques semaines près surtout s'il faudra saisir la Cour de Cassation dont les délais de réaction sont également de 3 ans avant qu'elle ne casse éventuellement et ne renvoie le cas échéant à une nouvelle Cour d'Appel, en rappelant une nouvelle fois au bout de 8 à 9 ans les règles du recours aux contrats d'intérim...  - OM

mardi 25 décembre 2012

Double requalification CDI contre l'utilisateur et l'agence d'intérim

Il est possible, d'après l'arrêt de la Cour de Cassation ci-dessous, de demander à la fois la requalification sur la base des motifs de fond du contrat intérimaire (défaut de justification PRECISE du recours par l'utilisateur) et la méconnaissance des règles de forme par l'agence d'intérim (par exemple: envoi tardif des renouvellements de contrats)

"Les actions en requalification exercées, l'une, contre l'entreprise de travail temporaire sur le fondement de l'article L. 124-2, alinéas 1 et 2, à L. 124-4, alinéas 1 à 9, devenus L. 1251-5, L. 1251-6, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code de travail, l'autre, contre l'entreprise utilisatrice sur le fondement de l'article L. 124-7, alinéa 2, devenu L. 1251-40 du même code, ont des fondements différents et peuvent être exercées concurremment. "Doit dès lors être approuvée la cour d'appel qui a fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée présentée par un salarié à l'encontre d'une société utilisatrice à la disposition de laquelle il avait été mis, alors même qu'il avait obtenu la requalification en un contrat à durée indéterminée des contrats de mission l'ayant lié à l'entreprise de travail temporaire."(Soc. - 20 mai 2009. N° 07-44.755. - CA Chambéry, 18 septembre 2007).

RAPPEL: Vous avez trois ans depuis juin 2013 (et plus cinq ans) maximum pour faire valoir vos droits à la requalification en CDI de vos CDD et CTT.